Aïn Témouchent
25-12-2007, 07:10 AM
Par M. A. Haddadou

Aïn Témouchent est située à 72 km à l’ouest d’Oran, au confluent des oueds Témouchent et Senane. Des vestiges préhistoriques, notamment des ossements humains, sur le site d’El-Mellah, ex-Rio Salado, attestent de l’ancienneté de l’occupation de la région.


Les Phéniciens qui, dès le premier millénaire avant J.-C., longeaient le littoral maghrébin, faisant escale pour commercer avec les populations autochtones, se sont établis dans les environs, notamment sur l’île de Rachgoun (ex-cap d’Accra) ainsi qu’à Sufat, sur les rives de l’oued Senane, sur l’emplacement de l’actuelle Cité des jardins de Aïn Témouchent.
Ces toponymes ont d’ailleurs une consonance phénicienne : Rachgoun se lit rach (cap) et gunia (colline) que l’on retrouve dans de nombreux toponymes phéniciens, et Sufat rappelle cuffat (suffète), titre administratif phénicien bien connu, l’équivalent de consul romain.

A la fin du premier siècle après J.-C., les Romains arrivent dans la région, attirés par les riches terres fertiles. En 119, sous le règne de l’empereur Trajan, ils bâtissent à l’emplacement de Sufat, un camp fortifié auquel ils donnent le nom de Praesidium Safative. Le poste faisait partie du limes établi en Maurétanie césarienne pour contrer les tribus berbères hostiles.

Au IIIe siècle, le limes fut déplacé plus au sud et le présidium, perdant son caractère militaire, devient la cité d’Albulae. Le nom antique de Aïn Témouchent, Albulae, signifie, en latin, «la blanche».

Comme le sol de la région est noir, il faut supposer que l’appellation s’appliquait aux carrières de calcaire blanc, aujourd’hui encore exploitées.
A moins qu’Albulae ne soit la traduction, comme c’est parfois le cas, dans la toponymie antique d’un nom local : il pourrait s’agir d’un mot tiré de la racine ML/ MLL, signifiant justement «blanc» et, par extension, «de bon augure, bénédiction», d’où dérive, par exemple, un nom comme Thamalla, l’actuelle Aïn Toumella.

Albulae a été une ville prospère, vivant de l’agriculture, dont les produits (céréales, huile, vins…) étaient exportés vers Rome. Le christianisme s’y développe et, au Ve siècle, la ville devient le siège de l’évêché de Maurétanie césarienne, ce qui démontre son importance.

Les Vandales s’emparent de la région et de la ville et les soumettent à leur domination, puis les Byzantins les récupèrent. A partir du VIe siècle, le nom de la ville n’est plus cité : elle a peut-être été détruite par un séisme ou un incendie, ce qui explique la rareté des vestiges de cette époque.


Les Musulmans arrivent dans la région à la fin du VIIIe siècle. Une cité arabo-berbère voit le jour, sous le nom de Qsar Ibn Sinan, littéralement Le château d’Ibn Sinan, en référence, pense-t-on, à son fondateur. Mais ce nom n’est peut-être que la reprise d’un toponyme antérieur que l’on retrouve dans le nom d’un cours d’eau de Aïn Témouchent, l’oued Senane, nom signifiant en berbère : oued, rivière de l’épine — senan, asennan signifiant en targui et en mozabite : bourre de palmier et dans les autres dialectes : piquant, épine, chardon.

Au Xe siècle, la région est ruinée par les Banu Hilal, tribus arabes venues d’Orient qui vont s’y installer et arabiser progressivement la contrée, restée jusque-là majoritairement berbérophone.

Au XVe siècle les Turcs, appelés par les populations menacées par les Espagnols, arrivent et vont occuper des villes côtières, dont Oran.

Au lendemain de l’occupation d’Alger, en 1830, les Français vont tenter de s’emparer des territoires de l’Ouest. Ils vont y rencontrer une forte résistance, notamment après le ralliement des tribus de la région à Si Mahieddine, père de l’Emir Abdelkader.

C’est de Aïn Témouchent que sera menée l’offensive contre la garnison française d’Oran. L’attaque échoue, mais elle marque le début de la résistance de l’Emir Abdelkader.

Après l’attaque du 1er juillet 1836, les Français ripostent en s’en prenant à Aïn Témouchent, laissée sans défense : les troupes du général Bugeaud occupent la ville et la brûlent presque entièrement.

Les Algériens ripostent, ce qui obligera les Français à engager des pourparlers avec l’Emir, pourparlers qui aboutiront au fameux traité de La Tafna (mai 1837) par lequel les Français conserveront des positions, dont Aïn Témouchent, mais reconnaîtront la souveraineté de l’Emir sur une grande partie de l’Algérie.

A partir de 1848, les colons européens commencent à arriver à Aïn Témouchent qui, deux années après, devient un centre de colonisation.
En 1869, Aïn Témouchent est érigée en commune et le nombre d’Européens, attirés par les concessions prélevées sur les meilleures terres confisquées aux Algériens, ne cesseront d’affluer, au point de dépasser le nombre d’autochtones. Ils y pratiqueront l’agriculture, mais surtout la culture de la vigne.

On ne sait pas à quelle époque Aïn Témouchent a cessé de s’appeler Qsar Ibn Sinan pour prendre son nom actuel, qui est composé de l’arabe aïn (fontaine) et du berbère témouchent (chacal femelle), autrement dit «la fontaine, la source du chacal femelle».

source
Infosoir 2006