Ibnou Khaldoun: Banou Hilal
24-05-2008, 11:58 AM
Extrait de : Histoires des berbères d' Ibn Khaldoun pages 21 et les suivantes

Le livre, publié chez Berti, est disponible en Algérie pour 1800 DA

L'ensemble du texte déjà scanné

J'ai fais le maximum pour corriger les fautes. En vert, ce sont des informations que j'ai rajouté.
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LES TRIBUS DE HILAL ET DE SULAYM, ARABES DE LA QUATRIÈME RACE,ENTRENT EN AFRIQUE. SUITES DE CET ÉVÉNEMENT


Depuis l'avènement de la dynastie Abbaside, les tribus formant les deux grandes familles moderites de Hilal et de Sulaym avaient continué à vivre en nomades et à parcourir avec leurs troupeaux les déserts du Hidjaz qui touchent à la province du Nadjd. Les Sulaym fréquentaient les environs de Médine, et les Hilal se tenaient sur le Ghazwan, montagne près de Tayf. Quelquefois, cependant, ils allaient prendre leurs quartiers d'été aux frontières de l'Irak et de la Syrie, d'où ils faisaient des incursions dans les cantons voisins pour y dévaliser les voyageurs et piller les caravanes. Les Sulaym se permettaient même d'attaquer les pèlerins de la Mecque aux jours où l'on remplissait les grands devoirs de la religion, et de les dépouiller sur le territoire de Médine pendant qu'ils visitaient le tombeau du Prophète. Les khalifes de Baghdad ne cessaient d'expédier des troupes pour punir ces méfaits et protéger les pèlerins contre de pareils outrages.

Plus tard, les Banu Sulaym et un grand nombre des tribus descendues de Rebiâ b. Amer allèrent se joindre aux Carmats, lors de la première apparition de ces sectaires, et ils les servirent en qualité de milices, dans les provinces de Bahrayn et d'Oman.
Quand les princes Fatimides', descendants d'Ubayd Allah AI Mehdi, eurent subjugué l'Égypte et la Syrie, AI Aziz, un des souverains de cette dynastie, enleva aux Carmats les villes dont ils s'étaient emparés dans ce dernier pays, et les ayant refoulés jusqu'à la province de Bahrayn, il transporta dans le Saîd (la Haute-Égypte) leurs partisans, les Arabes des tribus de Hilal et de Sulaym. Bien que la présence de ces nomades dût nuire à la prospérité de cette région, il prit le parti de les y établir, en les installant sur le bord oriental du Nil.
Bonsoir à tous ,

J'ai fais le maximum pour corriger les fautes. En vert, ce sont des informations que j'ai rajouté.

(Nous allons maintenant raconter les faits qui décidèrent le gouvernement égyptien à faire passer ces tribus dans l'Afrique septentrionale). En l'an 408, AI Moëzz devint souverain des Sanhadja de Kairouan, ayant reçu son investiture d'Ad-Daher li Dini'llah Ali, fils d'AI Hakem bi Amli'llah Mansur, fils d'AI Aziz bi'llah Nizar, fils d'AI Moëzz li Dini'llah Mâdd, émir de l'Ifrigyat. Ainsi, de même que ses pères, il tenait son autorité des souverains fatimides, fait sur lequel nous aurons l'occasion de revenir. Agé seulement de huit ans, il n'avait aucune connaissance des principes du gouvernement, aucune expérience des affaires, mais il appartenait à une famille très puissante et très fière. Ad Daher mourut en 427 (1036) et eut pour successeur son fils AI Mustanser bi'Llah Mâdd, celui qui régna plus longtemps qu'aucun des khalifes de l'islamisme: ayant gouverné soixante-quinze ans, disent les uns, soixante cinq, disent les autres. La vérité est qu'il régna soixante-treize ans, puisqu'’ il mourut vers la fin du 5è siècle de l'hégfre2 [en fait en l’an 487 d’après la note de page du traducteur]

AI Moëzz, fils de Badis, eut pour les doctrines sunites (orthodoxes) un certain penchant qu'il laissa quelquefois paraître3. Ainsi, vers le commencement de son règne, il lui arriva, en faisant une promenade, d'invoquer à haute voix le secours des deux Chikhs (les khalifes) Abu Bakr et Omar, dans un moment où il voyait que son cheval allait s'abattre sous lui. Les gens du peuple ayant entendu ces paroles, commencèrent à massacrer les Rafidites4 [ c.à.d les Chiites], et à proclamer hautement la doctrine orthodoxe [sunnite]: ils en firent publiquement la profession et supprimèrent les paroles venez à l'excellente œuvre ( hay ala khayri' lâmal) que les Fatimides avaient insérées dans l'Adan, ou appel à la prière. Ad-Daher ferma les yeux sur cet événement son fils et successeur, AI Mustanser, ne parut y faire aucune attention non plus ; aussi AI Moëzz, en ayant rejeté tout le blâme sur le peuple, vit agréer ses excuses. Dès lors, ce prince continua à faire la prière au nom du khalife (fatimide) et à lui envoyer les présents d'usage. Pendant tout ce temps, il entretenait une correspondance écrite avec Abu'I Qasem AI Djerdjeray, vizir de ces deux souverains, gouverneur de leur empire et directeur de toutes leurs affaires. Cherchant ainsi à le mettre dans ses intérêts, il lançait des sarcasmes contre les descendant d'Ubayd Allah (les Fatimides) et contre leurs partisans. AI Djerdjeray fut surnommé AI Actâ (le mutilé) parce qu'Al Hakem lui avait fait couper les mains pour crime de péculat. Lors de cet événement, toute l'autorité dont ce vizir avait disposé passa entre les mains de Sitt AI Molk, (sueur d'AI Hakem et grand-) tante d'AI Mustanser. En l'an 414 (1023-4), après la mort de cette princesse, Al Djerdjeray rentra au pouvoir, et il y resta jusqu'à la fin de ses jours. Il mourut en 436 (1044-5). Son successeur dans le vizirat, Abu Muhammed Al Hasem b. Ali, portait le surnom d'AI Yazuri, parce qu'il était originaire d'un village de la Palestine (appelé Yazurt), où son père avait été matelot2.

Quand AI Yazuri fut élevé à ces hautes fonctions, les gouverneurs des provinces se dispensèrent de lui donner, dans leurs dépêches, le titre de monseigneur (mulay), ce qui le piqua au vif. Il en fit même des reproches à Thomal b. Saleh, seigneur d'Alep, et à Moëzz b. Badis, seigneur de l'Ifriqya. Dès lors, ces deux princes le prirent en aversion. AI Moëzz fit même serment de répudier la souveraineté des Fatimides, de faire la prière publique au nom des Abbasides, et d'empêcher que celui du khalife ubaydite (fatimide) fût prononcé du haut d'aucune chaire dans tout son empire. Ayant persisté à remplir son voeu, il fit couper aux robes de cérémonie et aux étendards la bordure dans laquelle les noms des princes fatimides se trouvaient tissés;, et ayant reconnu pour souverain Abu Djâfer AI Qaym, fils d'AI Cader, l'Abbaside, il ordonna qu'on fit la (khotba) au nom de ce khalife et que l'on offrit des prières pour sa prospérité du haut de toutes les chaires. Ceci eut lieu en 437 (1045-6).

Le khalife de Baghdad ayant reçu l'acte par lequel AI Moëzz reconnaissait son autorité, lui envoya, par Abu'l Fadl AI Baghdadi, le diplôme d'investiture et les robes d'honneur. On fit la lecture de cette pièce dans la grande mosquée de Kairouan ; on y déploya les étendards noirs4 et on démolit la maison des Ismaëlienss.

Quand cette nouvelle parvint à AI Mustanser, khalife de l'Égypte, et à ses sectateurs, les rafidites ketamiens, ainsi qu'aux autres partisans de la dynastie fatimide, ils en ressentirent une douleur extrême, et dans le trouble que cet événement leur inspira, ils demeurèrent frappés de consternation.
Nous avons déjà fait observer que les tribus hilaliennes se trouvaient cantonnées dans le Saîd. Elles se composaient des Djachem, des AI Athbedj, des Zughba, des Riyah, des Rebiâ et des Adi ; populations dont la présence sur ce territoire y répandait la dévastation et nuisait non seulement à la province mais à l'empire. Le vizir AI Yazuri donna le conseil de gagner ces tribus, d'en revêtir les chefs du commandement des provinces de l'Ifriqya et de les envoyer faire la guerre à la dynastie des Sanhadja. « De cette manière, disait-il, les Arabes deviendront amis dévoués des Fatimides et formeront une excellente armée pour la protection de l'empire. Si, comme on le doit espérer, ils réussissent à vaincre AI Moëzz, ils s'attacheront à notre cause et se chargeront d'administrer l'Ifrigya en notre nom de plus, notre khalife se sera débarrassé d'eux. Si, au contraire, l'entreprise ne réussit pas, peu nous importe! Dans tous les cas, mieux vaut avoir affaire à des Arabes nomades qu'à une dynastie sanhadjite. Cet avis fut accueilli avec transport. On a raconté, mais à tort, que ce fut Abu'l Qasem AI Djerdjeray qui donna ce conseil et qui fit entrer les Arabes en lfriqya.

En conséquence de la décision que l'on venait de prendre, AI Mustanser, en l'an 441 (1049-50), envoya son vizir auprès des Arabes. Ce ministre commença par faire des dons peu considérables aux chefs, - une fourrure et une pièce d'or à chaque individu, - ensuite il les autorisa à passer le Nil en leur adressant ces paroles: « Je vous fais cadeau du Maghreb et du royaume d'AI Moëzz b. Badis le Sanhadjite, esclave qui s'est soustrait à l'autorité de son maître. Ainsi, dorénavant, vous ne serez plus dans le besoin ! »

Il écrivit alors au gouvernement du Maghreb une lettre ainsi conçue:

Nous vous envoyons - Des coursiers rapides - Et des hommes intrépides - Pour accomplir telle chose. - Que le destin décide!

Les Arabes, animés par l'espoir du butîn, franchirent le Nil et allèrent occuper la province de Barca. Ayant pris et saccagé les villes de cette région, ils adressèrent à leurs frères qu'ils avaient laissés sur la rive droite du Nil une description attrayante du pays qu'ils venaient d'envahir. Les retardataires s'empressèrent d'acheter la permission de passer le fleuve ; et comme cette faveur leur coûta une pièce d'or pour chaque individu, le gouvernement égyptien obtint non seulement le remboursement des sommes qu'il venait de leur distribuer, mais encore bien au delà.

Ces envahisseurs se partagèrent alors le pays, de sorte que la parti, orientale en échut aux Sulaym et la partie occidentale aux Hilal. Ils dévastèrent ensuite AI Medinat AI Hamra, Adjedabya, Asmu et Sort. La tribu Sulaymide de Hayb se fixa sur le territoire de Barca avec ses confédérés, les Ruwaha, les Nasera et les Omayra ; mais les Debbab, les Awf, les Zughb et toutes les familles hilaliennes se précipitèrent sur l'Ifriqya comme une nuée de sauterelles, abîmant et détruisant tout ce qui se trouvait sur leur passage.

A suivre



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