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تملني فرشيشي
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la protection diplomatique des sociétés. master I. LMD. droit international publ
05-10-2012, 03:18 PM
[CENTER][CENTER][CENTER][CENTER]République Algérienne Démocratique et Populaire
L’Université d’Alger Ben Youcef Ben Khadda
- Faculté de Droit-
- Filière Droit International Public et Privé -

Sujet :

La Protection Diplomatique
Des Sociétés

Nationalité Des Sociétés
Professeur : Mme Y.AKROUN



2011/2010


Plan de l exposé





Introduction

Chapitre premier : La protection diplomatique des sociétés et des actionnaires

Première section La protection diplomatique des sociétés
1/ Caractères et conditions d’exercice de la protection diplomatique
2/ La condition de nationalité
3/ Articulation de la protection de la société et de celle de ses actionnaires

Seconde section: La protection diplomatique des actionnaires
1/ La personnalité morale comme obstacle a la protection
2/ Un droit dérogatoire a la protection
3/ La nature de la protection diplomatique des actionnaires


Chapitre second : Le mécanisme délaissé de la protection diplomatique

première section : La marginalisation de la protection diplomatique et le développement de mécanismes alternatifs de protection des investissements
1/ La marginalisation de la protection diplomatique
2/ Le développement de mécanismes alternatifs de protection des investissements

seconde section :Considérations idéologiques et politiques
1/ Des conflits de systèmes et d’intérêts
2/ Une méfiance partagée envers la protection diplomatique
3/ Quelles perspectives d’avenir ?


Conclusion






Introduction

Les récents travaux de la Commission du Droit International ayant mène à l’adoption en 2006 du Projet d’articles sur la protection diplomatique , témoignent d’un regain d’actualité de la matière.
1er du projet définit la protection diplomatique, l’article: ≪ la protection diplomatique consiste en l’invocation par un État, par une action diplomatique ou d’autres moyens de règlement pacifique, de la responsabilité d’un autre État pour un préjudice causé par un fait internationalement illicite dudit État à une personne physique ou morale ayant la nationalité du premier État en vue de la mise en œuvre de cette responsabilité≫
Néanmoins les fondements de la protection diplomatique ont été exposes en 1924 par la Cour Permanente de Justice dans l’affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine :
≪ C’est un principe élémentaire du droit international que celui qui autorise l’Etat à Protéger ses nationaux lésés par des actes contraires au droit international commis par un autre Etat, dont ils n’ont pu obtenir satisfaction par les voies ordinaires. En prenant fait et cause pour l’un des siens (…) cet Etat fait, à vrai dire, valoir son propre droit, le droit qu’il a de faire respecter en la personne de ses ressortissants, le droit international ≫.
Cette protection diplomatique s’exerce sur le fondement de la nationalité des personnes physiques ou morales (donc les sociétés aussi), où les états font falloir vis-à-vis d’autres états, le droit d’endosser leur causes et d’agir en leur faveur lorsqu’elles ont été victimes d’un préjudice ou d’un déni je justice dans un autre état.
Et parce que la protection diplomatique des sociétés trouve son origine dans l’idée d’une fusion de l’intérêt prive dans l’intérêt étatique. Une question délicate s’est posé toutefois quant à la nature de la protection diplomatique des ressortissants (personnes morales comme personnes privées) : est-ce un droit propre de l’Etat ? Un droit de son ressortissant ?
Toutefois, cette question, malgré sa délicatesse, a trouvé sa réponse il y a longtemps ; la doctrine internationale a longtemps étudié cette question et la réponse est la suivante :
Sans aller jusqu’a observer une subjectivisation de la protection diplomatique, on ne peut ignorer l’influence croissante du droit international des droits de l’homme sur la protection des nationaux a l’étranger, ce qui permet a certains auteurs d’en conclure a un droit de nature ≪ mixte ≫ .
Et dans cet exposé j’ai décidé de traiter le sujet de la protection diplomatique des sociétés sous une ongle différent, autre que celui de savoir si cette protection est un droit de l’état ou de la société elle-même, étant donné que cette question a déjà bien été clarifié.
Dans cette exposé, je poserai une question assez récente, et c’est la problématique suivante :
- Est ce que la protection diplomatique des sociétés, vu le développement et l’ampleur et sociétés et leur grande influence sur le plan international et national d’aujourd’hui, a toujours la même importance pour que les sociétés puissent assurer leur droits dans les états tiers ?
Pour cela, l’exposé sera divisé en deux chapitres, le premier traitera la protection diplomatique des sociétés et celle des actionnaires, et le deuxième traitera Le mécanisme délaissé de la protection diplomatique.


















Chapitre premier
La protection diplomatique des sociétés et des actionnaires


dans ce chapitre on entamera les points essentiels du sujet de la protection diplomatique des sociétés (première section) et la protection diplomatique des actionnaires de ces sociétés(seconde section).












Première section
La protection diplomatique des sociétés

L’exercice de la protection diplomatique s’exerce aussi bien a l’égard des ressortissants personnes physiques d’un Etat que de ses personnes morales. Si les règles essentielles du régime général de la protection diplomatique des personnes physiques sont reprises, cette forme de protection, de par sa spécificité, appelle un aménagement des principes et critères qui la gouvernent.
Le premier aménagement tient à l’appréciation du lien juridique fondant le droit d’action en protection de l’Etat, a savoir le lien de nationalité. Ce lien juridique est apprécie d'abord au regard du droit interne de l’Etat.














1/ Caractères et conditions d’exercice de la protection diplomatique :
L’action en protection diplomatique est avant tout une voie de droit, destinée à obtenir réparation d’un préjudice.
Un Etat peut protéger ses ressortissants lésés par des actes contraires au droit international commis par un autre Etat. Pour que la protection diplomatique puisse être exercée, il faut que le dommage soit la conséquence d’un comportement de l’Etat hôte contraire au droit international.
Ceci car la protection diplomatique ne résulte pas d’obligations des Etats erga omnes , mais seule la partie envers laquelle existe une obligation internationale peut présenter une réclamation a raison de la violation de cette obligation.
C’est donc la violation d’une obligation internationale qui déclenche le mécanisme de l’exercice de la protection diplomatique. Le déni de justice, la privation de liberté sans jugement, l’expropriation discriminatoire ou arbitraire, la nationalisation et la confiscation sans indemnité en sont des exemples.
Une fois constatée la violation d’une obligation internationale due a un Etat, ≪ l’Etat doit être considéré comme seul maître de décider s’il accordera sa protection, dans quelle mesure il le fera, et quand il y mettra fin ≫ . C’est la le caractère discrétionnaire de la protection diplomatique. L’Etat jouit en la matière ≪ d’une liberté totale d’action ». Puisque ≪ les titulaires de droits ne sont aucunement obligés de les exercer ≫ , l’Etat peut, en toute liberté, accorder ou refuser la protection diplomatique.
En outre, comme condition essentielle à l’exercice de la protection diplomatique, un Etat ne peut accorder sa protection diplomatique qu’a ses propres ressortissants. La nationalité figure ainsi ce lien nécessaire entre un Etat et une personne privée, aux fins de l’action en protection
Diplomatique. Pour ce qui est de sa détermination, le principe est qu’il appartient a l’état concerne de déterminer, conformément a son droit interne, qui peut prétendre a sa nationalité.
Enfin, il faut citer la condition d’épuisement des voies de recours internes. Un Etat peut fournir une protection diplomatique et introduire un recours uniquement si la personne concernée a préalablement épuisé à l’étranger toutes les voies de recours internes, dans la mesure où cela était possible et raisonnablement exigible. Cette condition confère à la protection diplomatique un caractère subsidiaire. Il serait en effet prématuré pour un Etat d’invoquer une violation du droit international tant que l’Etat défaillant n’a pas eu l’occasion de réparer les conséquences de la violation. Toutefois, la règle de l’épuisement des voies de recours interne connait des limites : cette condition n’est pas exigée lorsque les voies de recours sont inexistantes, inefficaces ou insuffisantes.
Soumis à cet ensemble de conditions cumulatives, l’exercice par un Etat de la protection diplomatique demeure un événement exceptionnel . Laisse en outre à la discrétion de l’Etat, on comprend qu’il ne se réalise que rarement.
On retrouve a l’égard des personnes morales, ces conditions préalables à l’exercice de la protection diplomatique. Mais lorsqu’un Etat prétendra exercer sa protection diplomatique en faveur d’une personne morale, l’institution connaitra nécessairement une adaptation, eu égard a la spécificité du sujet

















2/ La condition de nationalité :
Si les sociétés bénéficient, au même titre que les personnes physiques, de la protection diplomatique par leur Etat national, l’action de l’Etat en faveur de son ressortissant suppose l’établissement préalable d’un lien de nationalité.
A. Détermination du lien de nationalité
Comme pour les personnes physiques, les sociétés ont une nationalité dont l’attribution résulte du droit interne. Le choix du critère de détermination de cette nationalité dépend des options retenues par les Etats.

Plusieurs critères sont envisageables en la matière. John Dugard dans son Quatrième Rapport sur la protection diplomatique, dénombre ainsi sept options. Dans les différentes combinaisons qu’il propose, on retrouve en fait deux critères principaux que sont le siège et le contrôle .
En droit international, deux critères ont été admis comme éligibles a la détermination du lien de nationalité, a savoir le critère du lieu de constitution et celui du siège social.
La CIJ a ainsi adopte une solution de compromis face a l’opposition irréductible entre les systèmes dits ≪ de siège réel ≫ et ceux dits ≪ d’incorporation ≫.
C’est aussi ce double critère qui fut consacre par la CDI dans son projet d’article relatif a la protection diplomatique , quoique le critère du siège n’y apparaisse que subsidiaire.
A cote de la règle de principe faisant droit au critère de l’incorporation, est inscrit un régime dérogatoire permettant de reconnaitre à un Etat, autre que l’Etat d’incorporation, le droit d’action en protection diplomatique. Sébastien Touze, y voit un aménagement de la règle de l’effectivité de la nationalité. Il souligne l’avantage de cette solution pragmatique, qui évite de tomber dans les écueils que peuvent susciter une application trop rigoureuse du critère de l’incorporation.
B. La règle de l’effectivité de la nationalité
La CIJ, dans l’affaire Nottebohm, a admis que le manque d’effectivité du lien de nationalité puisse faire obstacle à l’exercice de la protection diplomatique d’une personne physique.
Si la pratique des Etats révèle l’exigence de certaines conditions additionnelles a la nationalité pour accorder leur protection diplomatique a des sociétés nationales, la CIJ, qui se borne à relever ces pratiques, n’a entendu consacrer ≪ aucun critère absolu applicable au lien effectif≫.
A noter toutefois que le critère de l’effectivité fondé sur l’arrêt Nottebohm est celui qui a suscité le plus de déclarations et opinions individuelles de la part des juges dans l’affaire de la Barcelona Traction, montrant sur ce point une Cour divisée .
D’autres questions se posent quant à la transposition aux personnes morales des critères applicables en matière de protection diplomatique des personnes physiques. Il en va ainsi de celle de la continuité de la nationalité.

C. La continuité de la nationalité
Exigée pour les personnes physiques, cette condition s’applique également aux sociétés.
Il y est toutefois fait exception dans le cas ou la perte de la nationalité par la société résulterait du préjudice souffert par cette dernière. Ceci permet, en dépit de la perte de la nationalité de la société, de maintenir l’existence d’un droit d’action en protection en sa faveur.
Le projet d’article 10§3 adopté par la CDI consacre cette exception lorsqu’il énonce qu’≪ un État reste en droit d’exercer sa protection diplomatique à l’égard d’une société qui avait sa nationalité à la date du préjudice et qui, du fait de ce préjudice, a cessé d’exister d’après la loi de l’État où elle avait été constituée≫.







3/ Articulation de la protection de la société et de celle de ses actionnaires
Ainsi définit le mécanisme de la protection diplomatique tel qu’applicable aux sociétés, il reste à déterminer l’articulation entre la protection diplomatique de la société et celle de ses actionnaires.
Toute personne morale est une fiction, dont la substance véritable est à rechercher dans les membres qui la composent. Le mécanisme de la protection diplomatique des sociétés est-il à même d’assurer la protection de ces membres ?
Il nous faut ici distinguer selon les formes de sociétés, et le degré d’autonomie que ses fondateurs ont souhaité conférer a l’entité sociale.
Les législations internes, sur lesquelles la règle dégagée en droit international général prend appui, connaissent toutes la distinction entre sociétés de personnes et sociétés de capitaux.
Confirmée par la jurisprudence internationale, cette distinction majeure va délimiter le champ de notre étude.
En ce qui concerne les sociétés de personnes, la pratique comme la jurisprudence internationale reconnaissent un droit d’action au profit de l’Etat de nationalité des associes si la société a subi un préjudice, et ceci quelque soit la nationalité de la société. Il est ainsi fait abstraction de la personnalité juridique de la société.
Il en va différemment dans les sociétés de capitaux, sur le plan international, ne seront admises en faveur des sociétés de capitaux que les réclamations présentées par l’Etat de nationalité de ces dernières.
Ne pourrait-on pourtant pas admettre que l’actionnaire, qui participe à la vie sociale, puisse dans certaines hypothèses déclencher le mécanisme de la protection diplomatique ?
Il se peut qu’un actionnaire, personne physique comme morale, soit atteint dans ses droits subjectifs propres, distincts de ceux de la société, quand bien même ces droits seraient nés à l’occasion de sa participation a l’activité de la société. On pense notamment aux droits de recevoir des dividendes, au droit de contrôle sur la société via l’exercice des prérogatives attachées au droit de vote. Dans ce cas, l’action en protection diplomatique au profit de l’actionnaire est justifiée. C’est à l’Etat de nationalité de l’actionnaire qu’il reviendra de l’exercer.
Il se peut également que l’acte internationalement illicite atteigne la société comme telle et ne frappe les actionnaires qu’indirectement en raison de leur participation à l’actif de la société.
La société étant comme telle lésée, c’est à elle qu’il reviendra de mettre en œuvre les moyens de procédure à sa disposition pour obtenir réparation.
Or, en tant que membre du groupement que constitue la société, l’actionnaire subit indirectement mais nécessairement un préjudice lorsque la société fait l’objet d’une atteinte a ses droits propres.
L’actionnaire pourrait-il se prévaloir de son préjudice indirect pour déclencher l’action en protection diplomatique de la part de son Etat national ?
Cette interrogation nous amène à des considérations similaires à celles qui prévalent en droit interne des sociétés. Si en la matière, le droit d’action en réparation d’un préjudice social appartient aux représentants légaux de la société, on reconnait toutefois dans certaines situations, l’existence d’un droit d’action ut singuli au profit des actionnaires, offrant à ces derniers la possibilité d’exercer l’action sociale en réparation du préjudice subi par la société.
Ces considérations similaires révèlent un problème identique, celui de savoir quel degré d’opacité accordé à la personnalité morale.
Dans le domaine de la protection diplomatique des sociétés de capitaux, il existe également des dérogations conditionnées au profit des actionnaires, qui pourront prétendre a une forme de protection internationale de leurs droits et intérêts, tant en cas de préjudice direct qu’en cas de préjudice indirect. Ce régime complémentaire de la protection diplomatique des actionnaires s’enchevêtre avec celui applicable aux sociétés et doit, dans sa mise en œuvre, être apprécié à la lumière de ce dernier.
C’est une question assurément complexe que celle de l’articulation de la protection
diplomatique des sociétés de capitaux et celle de leurs actionnaires. L’état du droit en la matière nous sera révèle en premier lieu par l’étude de la jurisprudence de la Cour Internationale de Justice.
L'arrêt Barcelona Traction rendu par la CIJ en 1970 , se veut un arrêt rigoureux dans les principes qu’il énonce. Rappelant la distinction entre la personne morale et les membres qui la composent, la Cour refuse que l’Etat de nationalité des associes d’une société de capitaux étrangère puisse intenter une action en protection diplomatique en cas d’atteinte dirigée à l’encontre de la société quand bien même les actionnaires auraient subi une atteinte indirecte a leurs droits. Mais cette règle stricte se trouve assortie d’exceptions, exceptions qui sont au cœur de l’articulation entre la protection diplomatique de la société et de celle de ses actionnaires.
En dépit d’un principe de base négatif leur refusant le droit de déclencher l’action en protection diplomatique, les actionnaires d’une société de capitaux pourront, dans certaines situations, bénéficier d’un droit d’action.
Ce premier arrêt est donc équilibre, en ce qu’il ne ferme pas aux actionnaires d’une société de capitaux, toute possibilité d’action en leur faveur. Il ne fut certes pas fait application en l’espèce des exceptions envisagées, la Cour renvoyant on l’imagine à une application ultérieure par la jurisprudence. Or, aucun des deux arrêts survenus par la suite ne se prononcera sur la valeur, ni sur la portée de telles exceptions.
A défaut d’une application effective des exceptions prévues, et nécessaires pour lui imprimer une certaine souplesse, la règle de principe va se figer dans toute sa rigueur. La protection diplomatique n’étant plus perçue comme un mécanisme permettant de garantir efficacement les droits des actionnaires étrangers d’une société locale, les operateurs se tourneront vers d’autres mécanismes de protection des investissements et chercheront à placer leurs différends hors du cadre de la protection diplomatique.














la seconde section
La protection diplomatique des actionnaires

L’arrêt Barcelona Traction pose une règle des plus classiques. La CIJ y énonce -ou plutôt y rappelle- le principe de distinction entre la personne morale et ses membres. Lorsqu’une société a été lésée dans ses droits propres par un acte contraire au droit international commis par un Etat, il appartient a l’Etat national de la société d’exercer a son profit l’action en protection diplomatique.











1/ La personnalité morale comme obstacle a la protection
L'arrêt Barcelona Traction n’est pas sorti tout droit du néant : il existe bien un ≪ avant-Barcelona Traction ≫, qui s’observe aussi bien dans l’étude de la jurisprudence internationale que dans celle de la pratique des Etats.
L’une des affaires les plus anciennes de la pratique traitant de la protection diplomatique des actionnaires est l’affaire Antioquia, qui des 1866 amène à distinguer entre les cas ou la société a été lésée dans ses droits et les cas ou les actionnaires ont été lésés dans leurs propres droits.
Dans l’affaire Baasch et Römer survenue par la suite, la commission chargée d’examiner le différend opposant le Venezuela aux Pays Bas, qui était saisie des réclamations portées par les actionnaires néerlandais d’une société constituée au Venezuela, a affirme dans une sentence arbitrale rendue en 1903, son incompétence pour connaitre de la réclamation : ≪ C’est cette société dont les biens ont été lésés [qui] seule peut intenter (…) un recours devant les tribunaux vénézuéliens. (…) Le fait que les actionnaires soient hollandais est relevant. Le seul élément à considérer est la nationalité de la société ≫
Dans l’affaire Kunhardt, qui fait également partie des arbitrages vénézuéliens de 1903, la réclamation d’une société américaine, actionnaire majoritaire d’une société anonyme vénézuélienne, fut rejetée en considération du principe selon lequel les réclamations des actionnaires ne peuvent pas être admises pour des dommages causes au patrimoine social, en ce que les actionnaires manquent d’un droit de propriété sur les biens de la société.31
L’intégralité des droits sociaux continuant d’appartenir à la société elle même, l’exercice de l’action sociale ne peut incomber qu’aux organes sociaux.
Ainsi, on observe un premier courant jurisprudentiel, par lequel les Etats se voient refuser la reconnaissance de leur droit d’action en protection diplomatique en faveur de leurs nationaux, actionnaires d’une société étrangère. On y retrouve une vision classique de la personne morale, entité abstraite qui absorbe les individualités. Il existe à l’inverse une tendance opposée, qui s’attache à considérer, par delà la personnalité morale artificielle de la société, les éléments réels qui la constituent.
Au début du XXe siècle, c’est dans l’affaire Delagoa Bay que la doctrine a pu voir un premier précédent favorable a l’existence d’une règle de droit international, selon laquelle l’Etat de nationalité des actionnaires serait légitime pour protéger diplomatiquement ces derniers, dans les cas ou la société aurait la nationalité de l’Etat auteur de l’acte illicite. Il y avait sans doute en l’espèce une configuration bien particulière, puisque les sociétés n’auraient pu obtenir justice d’une autre façon.
L’affaire El Triumfo intervenue quelques années plus tard, a donne lieu a une sentence arbitrale sur la base d’une référence formelle a l’affaire de la Delagoa Bay : les arbitres semblent y considérer comme un principe reconnu le droit pour un Etat d’intervenir au nom de ses ressortissants actionnaires d’une société étrangère.
Par la suite, d’autres affaires semblent poursuivre cette tendance et reconnaitre à l’Etat de nationalité des actionnaires un droit a l’exercice de la protection diplomatique en leur faveur.
Ce courant jurisprudentiel issu de diverses sentences arbitrales du début du XXe siècle, sera invoque par les parties dans l’affaire de la Barcelona Traction. A cela la Cour Internationale de Justice répondra que dans la majorité des cas les décisions citées se fondent sur les instruments qui établissent la juridiction du tribunal […] et déterminent les droits pouvant
bénéficier d'une protection, de sorte qu'elles ne sauraient faire l'objet de généralisations dépassant les circonstances particulières de l'espèce si la Cour leur refuse une portée générale, on peut toutefois déceler dans ces décisions une préfiguration des exceptions qui seront envisagées dans l'arrêt Barcelona Traction, comme dérogation a la règle générale que cet arrêt consacre.












2/ Un droit dérogatoire a la protection
Alors qu’elle vient de consacrer une règle classique mais sévère, la CIJ souligne en se référant au droit interne que ≪ l'existence indépendante de la personnalité morale ne saurait être considérée comme un absolu. C'est dans cette perspective que l'on a estimé justifier et équitable de ≪ lever le voile social ≫ ou de ≪ faire abstraction de la personnalité juridique ≫ dans certaines circonstances ou à certaines fins ».
Elle poursuit :≪ on peut admettre que la levée du voile, procédé exceptionnel admis par le droit interne à l'égard d'une institution qu'il a lui-même créée, joue un rôle analogue en droit international. Il en découle que, dans l'ordre international également, il peut en principe y avoir des circonstances spéciales qui justifient la levée du voile dans l'intérêt des actionnaires ≫.
Consciente de la rigueur de la règle qu’elle vient d’énoncer, la CIJ cherchera à l’assortir d’une certaine souplesse, en examinant dans un second temps ≪ divers autres motifs pour lesquels on pourrait concevoir que le Gouvernement belge soit justifié à présenter une demande pour le compte des actionnaires de la Barcelona Traction ≫.
A/ Les exceptions envisagées
Deux cas particuliers, impliquant d’aller au-delà de la personnalité morale, sont d'abord relèves par la Cour :
a/ Le traitement des biens ennemis dans les traites de paix pendant et âpres les deux guerres mondiales
Cette première exception se justifie aisément par son contexte. La législation sur les biens ennemis se voit ici qualifiée d’ « instrument de guerre économique visant à priver l'adversaire des avantages découlant de l'anonymat et de la personnalité distincte des sociétés ≫ . Il s’agit la d’une hypothèse tout à fait circonstanciée dont on ne saurait tirer une règle générale.
b/ Les arrangements conventionnels sui generis accordant des indemnités aux actionnaires étrangers de sociétés nationalisées
Ces accords relèvent eux aussi d'une catégorie distincte. Leur raison d'être s'explique par une transformation structurelle dans l'économie d'un Etat. Pour reprendre la formule utilisée par la Cour, ≪ ces accords précis ont été conclus pour répondre à des situations
précises ≫ . Ils reposent sur des considérations de politique économique bien plus que sur des raisonnements juridiques.
Ces deux premiers cas tels qu’envisages par la Cour peuvent sembler bien anecdotiques.
≪ Il s'agit, dans l'un et l'autre cas, de procédés bien particuliers découlant de circonstances propres aux situations en cause ≫. Du fait de leur nature particulière de lex specialis, il ne saurait en être tirée aucune analogie ni conclusion relativement a d’autres domaines.
D’autres hypothèses, de portée plus générale, sont ensuite envisagées.
c/ La protection de l’investissement comme un intérêt directement protège par le droit international
Selon l’argument invoque par la Belgique, son gouvernement aurait qualité pour introduire une réclamation, s'il pouvait établir qu'un de ses droits a été lésé et que les actes incrimines ont entraine la violation d'une obligation internationale née d'un traite ou d'une règle générale de droit.
Nous quittons ici le champ de la protection diplomatique des actionnaires en tant que tels pour celle des investissements réalisés par eux, et donc pour une protection indirecte des actionnaires via la protection de leurs investissements.
La question qui se pose alors est celle de l’existence d’un droit propre de l’Etat à la protection en cas d’atteinte à son économie, lorsque des investissements de ses nationaux à l’étranger auraient subi un préjudice.
L’allégation de la Belgique fut rejetée par la Cour, au motif, d’une part que si l’Etat hôte des investissements était tenu de les protéger, il n’en devenait pas pour autant l'assureur des ressources de l’Etat d’origine des investissements. D’autre part, en ce qui concerne les investissements, l'appartenance effective à une économie doit être prouvée. Or, si la protection devait être fondée sur cette appartenance, la difficulté d’en rapporter la preuve serait de nature à priver de réparation un acte illicite commis par un Etat.
d/ La possibilité d’une dérogation conventionnelle permettant la protection des actionnaires par leur Etat de nationalité
La Cour à ce propos prend acte de l’évolution s’étant opérée depuis la seconde guerre mondiale, en matière de protection des investissements à l'étranger. Cette évolution ≪ s'est traduite par la conclusion de traités [entre les Etats] ou d'accords entre Etats et sociétés. Ces instruments contiennent des dispositions sur la compétence et la procédure en cas de différends concernant le traitement des [investisseurs]. Parfois [ils] se voient conférer un droit direct de défendre leurs intérêts contre les Etats par des procédures définies ≫.
Cependant la Cour relève qu’en l’espèce aucun instrument de ce genre n'était en vigueur entre les parties.
La CIJ recherche ensuite s'il n’existerait pas d'autres circonstances spéciales, justifiant une dérogation à la règle générale.
Deux situations particulières retiennent son attention : ≪ le cas où la société aurait cessé d'exister, et le cas où l'Etat national de la société n'aurait pas qualité pour agir en faveur de celle-ci ≫.
e/ Cas ou la société aurait cesse d’exister
La disparition de la société en tant que personne morale implique que la société ait perdu la capacité d'exercer l'action sociale, qu’elle soit de ce fait devenue juridiquement incapable de défendre ses propres droits comme les intérêts de ses actionnaires. Il ne peut s’agir que d’une extinction définitive de la personne morale car ≪ seule la disparition de la société en droit prive les actionnaires de la possibilité d’un recours par l’intermédiaire de la société ; c’est uniquement quand toute possibilité de ce genre leur est fermée que la question d’un droit d’action indépendant peut se poser ≫ .
En l’espèce, la situation de faillite de la société ne pouvait être assimilée à son extinction définitive. La société n’ayant pas juridiquement disparu, ses organes pouvaient toujours agir en défense de ses intérêts.
C’est donc dans l’hypothèse ou toute possibilité d’action sociale est exclue, alors que les actionnaires ne peuvent compter que sur leurs propres droits, via une réclamation qui sera présentée par leur Etat de nationalité, que l’on pourra admettre la protection de ces derniers.
A défaut, les actionnaires se verraient prives de tout droit de demander réparation d’un préjudice qu’ils ont subi, situation assimilable a un déni de justice.
f/ L'Etat national de la société n'aurait pas qualité pour agir en faveur de celle-ci
Le gouvernement canadien avait exerce pendant des années la protection de la Barcelona Traction. Il ne s'agissait donc pas d'un cas ou la protection diplomatique aurait été refusée.
Si par suite le gouvernement canadien avait cesse d'assurer la protection diplomatique de la Barcelona Traction, c’était de son plein gré, sans qu’aucun obstacle juridique ne l’empêche de protéger la société. Rien par conséquent ne venait étayer l'argument selon lequel la seule possibilité d'obtenir réparation pour le tort cause à la Barcelona Traction et, a travers elle à ses actionnaires, était que le gouvernement belge saisisse la Cour d'une réclamation.
A en croire le juge Ammoun, la question essentielle de savoir si l’Etat national des actionnaires jouit ou non du droit d’endosser la réclamation de ces derniers serait une question purement juridique sur laquelle la volonté contingente de l’Etat national de la société n’aurait aucun effet
Autrement dit, le caractère purement discrétionnaire de la protection diplomatique ne permettrait pas que le défaut d’exercice de ce droit par l’Etat national de la société puisse être juge par des Etats tiers, et moins encore que son inactivité leur confère un droit quelconque.
En vertu de ces considérations, le ≪ défaut de qualité pour agir ≫ de l’Etat de nationalité de la société ne saurait s’entendre de son simple refus d’exercer la protection diplomatique.
Pour autant, tout un pan de la doctrine a pu considérer qu’il fallait admettre la protection diplomatique des actionnaires si l’Etat national de la société n’était pas légitime pour exercer la protection diplomatique, c'est à dire lorsque la société manquait d’un lien effectif avec cet Etat.
Il est de fait une pratique de certains Etats, conditionnant l’exercice de la protection diplomatique à l’existence de liens plus étroits ou différents que la seule exigence de nationalité. Devrait-on pour autant considérer qu’un Etat n’aurait pas ≪ qualité ≫ pour agir lorsque ne se trouve pas rempli le critère d’effectivité de la nationalité ?
Cette condition complémentaire, propre a la pratique interne n’est pas semble t’il une condition nécessaire sur le plan international. D’ailleurs, la Cour affirme qu’en ce qui concerne la protection diplomatique des personnes morales ≪ aucun critère absolu applicable au lien effectif n'a été accepté de manière générale ≫.83
Le défaut de qualité ne s’entend donc pas du non exercice de la protection diplomatique par l’Etat de nationalité de la société, non plus du défaut de légitimité de ce dernier, en application du critère du lien effectif. De sorte que l’hypothèse du ≪ défaut de qualité ≫ envisagée par la Cour semble se réduire a une seule situation, celle dans laquelle l’Etat de nationalité serait lui même a l’origine du préjudice. Comme il n’est pas concevable qu’un Etat puisse agir contre lui-même, celui-ci ne saurait par conséquent avoir qualité pour agir.
Il apparait ainsi que l’hypothèse apparemment autonome, consistant dans le défaut de qualité pour agir de l’Etat de nationalité de la société, serait à inclure dans la proposition plus générale formulée ultérieurement par la Cour, qui a trait à des raisons d’équité.
- La Cour réserve en effet les derniers paragraphes de l’arrêt à examiner si l’équité pourrait, dans certains cas, exiger la protection diplomatique des actionnaires.
Elle invoque une thèse selon laquelle ≪ l'Etat des actionnaires aurait le droit d'exercer sa protection diplomatique lorsque l'Etat dont la responsabilité est en cause est l'Etat national de la société », bien qu’elle affirme d’emblée que ≪ cette thèse (…) ne saurait aucunement être appliquée à la présente affaire, puisque l'Espagne n'est pas l'Etat national de la Barcelona Traction ≫.
La configuration imaginée est donc particulière, et nous fait quitter la relation triangulaire telle qu’on la trouve dans l'affaire de la Barcelona Traction, pour une relation cette fois bilatérale. C’est ce contexte que vise Manuel Diez de Velasco par l’expression de ≪ protection des actionnaires étrangers dans les sociétés locales ≫. D’âpres ce même auteur, une application de l’équité afin de permettre la protection des actionnaires ne reposerait sur aucune règle se référant a la protection diplomatique ni a la responsabilité internationale des états, mais sur des considérations générales, indépendantes et étrangères a ces dernières règles.

















B/ L’hypothèse de la constitution forcée de la société
Une controverse est née sur le point de savoir si le lien d’appartenance via la nationalité de l’Etat responsable ne devait pas être mis en relation avec une éventuelle obligation imposée par cet Etat, exigeant que la société ait été constituée conformément à son droit interne.
Il s’agirait dans l’affirmative de réduire les interventions de l’équité aux hypothèses de constitution forcée de la société sur le territoire d’un Etat donne.
En cas de dommage cause à l’une de ces sociétés, la condition d’acquisition obligatoire de la nationalité de l’Etat défendeur s’opposerait à toute action à son endroit, et par conséquent prétériterait toute action en protection de la part de l’Etat de nationalité.
Quelques auteurs, tel que le Professeur Reuter, ont pu voir dans l’exigence consistant pour certains Etats à conditionner l’exercice d’une activité économique sur leur territoire a l’acquisition préalable de leur nationalité, une logique proche de celle qui prévaut dans le cadre de la ≪ clause Calvo ≫.
Manuel Diez de Velasco évoque pour sa part un procède permettant de ≪ frustrer unilatéralement ≫ la possibilité d’exercer la protection diplomatique contre l’Etat auteur du dommage.
C’est cette hypothèse particulière qui avait été envisagée dans le cadre de l’affaire Petroleo El Aguila S.A. 100. Face au gouvernement mexicain, se prévalant du fait que la société avait sa nationalité, le gouvernement britannique avait répondu que : ≪ si l’on devait admettre la thèse selon laquelle un gouvernement peut d'abord subordonner les activités d’intérêts étrangers sur son territoire à une incorporation selon la loi territoriale, et se réclamer ensuite d’une telle incorporation pour faire échec à une réclamation diplomatique étrangère, il est clair qu’il y aurait toujours moyen d’empêcher les Gouvernements étrangers d’exercer les droits indiscutables qu’ils ont en vertu du droit international de protéger les intérêts commerciaux de leurs nationaux à l’étranger ≫.
Inspirée peut-être par de telles considérations, la Commission du Droit International a admis dans son Projet d’articles sur la protection diplomatique, que l’Etat de nationalité des actionnaires d’une société puisse exercer sa protection diplomatique a leur égard lorsqu’un préjudice est cause a la société ≪ si la société avait, à la date du préjudice, la nationalité de l’État qui est réputé en être responsable et si sa constitution dans cet État était une condition exigée par ce dernier pour qu’elle puisse exercer ses activités dans le même État » .
On peut regretter toutefois que le projet d’article 11 b) réduise l’exception initialement envisagée dans l'arrêt Barcelona Traction, et justifiée par la Cour pour des raisons d’équité, a la seule hypothèse de la constitution forcée de la société. En posant cette condition additionnelle, la Commission réduit d’autant les possibilités d’une dérogation a la règle générale, pour les limiter aux cas d’injustice les plus flagrants.
Or les concepts d’équité, de justice, de raison, sont des concepts larges et généraux, qui peuvent recevoir aussi bien application en droit interne qu’en droit international. On pourrait de ce fait soutenir que la notion d’équité ne saurait être confinée aux seules limites posées par le projet d’articles.
Le principe de la protection diplomatique des actionnaires apparait aisément justifiable par des idées d’équité et de justice. Il devient juridiquement acceptable des que l’on a pris conscience des limites de la personnalité morale. Cependant, le droit des actionnaires a la protection de leur Etat national est soumise dans la pratique à de nombreuses vicissitudes. Une question se pose alors, celle de la nature de ce droit.















3/ La nature de la protection diplomatique des actionnaires
Il n’est pas douteux que dans les hypothèses énumérées, il existe un droit d’action au profit des actionnaires qui auraient subit un préjudice indirect du fait d’un dommage cause a la société. La question se pose dés lors de déterminer la nature d’un tel droit. Serait-ce une protection alternative ? Subsidiaire ? Autonome ?
Plusieurs propositions seront successivement envisagées, reflétant les différentes hypothèses qui ont nourri le débat en la matière.
A/ Un caractère alternatif : l’hypothèse de droits concurrents
Cette hypothèse sera rejetée par la CDI, se prononçant a propos de l’étendue qu’il convient d’accorder aux considérations d’équité. La Cour adopte a cet égard une vision restrictive qu’elle justifie par les conséquences pratiques auxquelles on aboutirait si on déduisait des considérations d'équité un droit plus large de protection pour l'Etat de nationalité des actionnaires.
En matière d'équité, chacun des actionnaires devrait avoir la même possibilité de bénéficier de la protection diplomatique, quand bien même il ne détiendrait qu’une seule action. Or, l'adoption de la thèse de la protection diplomatique des actionnaires comme tels, en ouvrant la voie a des réclamations diplomatiques concurrentes, serait de nature à créer un climat de confusion et d'insécurité dans les relations économiques internationales.
Pour résoudre les problèmes découlant de la pluralité des réclamations simultanées de la part des Etats nationaux des actionnaires, Aligot Bagge proposait, comme condition préalable à l’admissibilité de leur réclamation, la signature d’un accord établissant une coopération entre
les Etats prétendant exercer leur protection diplomatique. Toutefois la conclusion de tels accords serait très difficile, si ce n’est impossible, en raison du nombre d’Etats intéresses.
Sous le projet d’article 11de la CDI, qui reconnait dans certaines situations le droit pour l’Etat de nationalité des actionnaires d’exercer l’action en protection diplomatique en leur faveur, on peut lire le commentaire suivant : ≪ les actionnaires d’une société pouvant avoir la nationalité de différents États, plusieurs États [pourront] exercer la protection diplomatique (…). Dans la pratique, cependant, les États coordonneront leurs réclamations et s’assureront que les États dont les nationaux détiennent la majorité du capital social se portent parties requérantes ».107
On peut douter du réalisme de la solution prônée. Hypothèse vraisemblablement impraticable de fait, elle s’apparenterait plutôt à un vœu pieu. Pour ces raisons, il n’apparait pas souhaitable de reconnaitre au droit d’action en protection au profit des actionnaires une nature alternative.
B/ Un droit de caractère subsidiaire
En face de la thèse selon laquelle un droit de protection alternatif pourrait être exerce par l’Etat national de la société ou celui des actionnaires, on a pu soutenir qu’il existait un droit de protection subsidiaire au profit des actionnaires, dans le cas ou la protection au profit de la société serait impossible.
Au regard des termes qu’elle emploie dans l'arrêt Barcelona Traction, la Cour Internationale de Justice semble envisager un droit de nature subsidiaire, bien qu’elle refuse de reconnaitre en l’espèce un tel droit. Elle justifiera par la suite l’une des raisons de son refus, à savoir que :
≪ L'essence d'un droit subsidiaire est de ne prendre naissance qu'au moment où le droit original cesse d'exister. (…) Comme le droit de protection revenant à l'Etat national de la société ne saurait être tenu pour éteint du fait qu'il n'est pas exercé, il n'est pas possible d'admettre qu'en cas de non-exercice les Etats nationaux des actionnaires auraient un droit de protection subsidiaire par rapport à celui de l'Etat national de la société. ≫
Ainsi, a raison notamment du caractère discrétionnaire de la protection diplomatique, il semble bien difficile d’admettre un droit subsidiaire de l’Etat de nationalité des actionnaires à l’exercice de la protection diplomatique en faveur de ces derniers.
Dans le cas d’une atteinte a la société locale, situation justifiant l’intervention de l’Etat de nationalité des actionnaires pour des considérations d’équité, il ne saurait non plus s’agir d’un droit de protection subsidiaire, puisque l’Etat de nationalité de la société n’a pas lui même dans ce cas qualité pour agir.
Sébastien Touze préfère quant a lui employer le terme de complémentarité, plutôt que de subsidiarité, en ce que le caractère complémentaire du régime envisage s’inscrirait plus logiquement dans la conception même de la nature de la protection diplomatique, elle même envisagée comme un mécanisme complémentaire de protection des droits individuels d’origine internationale.
« Complémentaire (voire alternatif) et justifié par une protection renforcée des intérêts privés sur le plan international, le régime de la protection diplomatique des actionnaires s’enchevêtre avec celui qui est applicable aux sociétés et doit, quant à sa mise en œuvre, être apprécié à la lumière de ce dernier ».



C/ Une protection autonome
Le Juge Tanaka se montre plus radical lorsque dans son opinion individuelle, il indique que la protection diplomatique des actionnaires ne devrait pas se concevoir comme une protection subsidiaire mais comme une protection autonome. Indépendante de la protection de la société elle même, elle pourrait exister en dehors de toute circonstance qui entraverait ou paralyserait l’exercice du droit de protection de la société et l’intervention de son gouvernement national.
La question de la nature de la protection diplomatique des actionnaires reste donc ouverte. Pour ce qui est de son articulation avec la protection diplomatique de la société, il semblerait au regard de la jurisprudence évoquée, que nous demeurerions dans un cadre classique, celui d’un principe général assorti de dérogations. Les propos de Mervyn Jones sur ce point restent encore pertinents. Au sujet de la pratique favorable au développement de la protection diplomatique des actionnaires, qui avait vu le jour dans la première moitie du XXe siècle, il y voyait une démonstration de l’existence d’une règle d’équité complétant le principe normal du respect de la personnalité juridique des sociétés et y apportant des exceptions dans tous les cas où son application stricte aboutirait à une injustice
La règle consacrée par l’arrêt Barcelona Traction s’inspire de celle qui prévaut en droit interne des sociétés : un principe de distinction entre les droits du groupement et ceux de ses membres, assorti toutefois d’exceptions lorsque cela est nécessaire pour éviter la paralysie ou les injustices flagrantes. Cette dialectique du principe et de l’exception contribue à l’instauration d’une solution équilibrée, introduisant une certaine souplesse au sein du mécanisme de la protection diplomatique.
Strict dans son principe, mais pas pour autant inflexible, l'arrêt Barcelona Traction ouvrait la voie a de possibles exceptions, renvoyant on l’imagine a une application ultérieure par la jurisprudence.
Or, prés de quarante ans plus tard, nous attendons toujours l’arrêt qui établira clairement la validité de ces exceptions et nous éclairera sur leur portée.
Ce n’est pourtant pas à défaut de jurisprudence ultérieure. En effet, a deux reprises, la CIJ a eu l’occasion de se prononcer sur la question de la protection diplomatique des sociétés de capitaux et de leurs actionnaires. Mais il semblerait qu’elle n’ait pas alors saisi l’occasion pour préciser la portée des exceptions envisagées des 1970, privant a posteriori de toute souplesse la jurisprudence issue de l’arrêt Barcelona Traction.






Second chapitre
Le mécanisme délaissé de la protection diplomatique
Dés l'arrêt Barcelona Traction la CIJ opérait le constat suivant : ≪Compte tenu (…) de l'extension des investissements étrangers et de l'ampleur prise par l'activité des sociétés sur le plan international, (…) compte tenu aussi de la prolifération des intérêts économiques des Etats, il peut être à première vue surprenant que l'évolution du droit ne soit pas allée plus loin et que des règles généralement reconnues ne se soient pas cristallisées sur le plan international. ≫
Ainsi la Cour semblait y reconnaitre les limites de sa propre jurisprudence, eu égard au mécanisme de la protection diplomatique.















Première section

La marginalisation de la protection diplomatique et le développement de mécanismes alternatifs de protection des investissements

1/ La marginalisation de la protection diplomatique
Le véritable fondement de la règle posée en 1970 par l'arrêt Barcelona Traction serait à rechercher dans des considérations d’opportunité, à savoir que les Etats ne se montrent pas favorables a la protection des investisseurs étrangers par le biais de la protection diplomatique. Cette considération expliquerait que le mécanisme se trouve délaissé au
Profit d’autres moyens de protection des investissements.
Dans l'arrêt Barcelona Traction, la Cour décrivait ce processus dont elle apparait fort consciente :
≪ Dans l'état présent du droit, la protection des actionnaires exige que l'on recoure à des stipulations conventionnelles ou à des accords spéciaux conclus directement entre l'investisseur privé et 1'Etat où l'investissement est effectué. Les Etats assurent de plus en plus fréquemment ce genre de protection dans leurs relations bilatérales ou multilatérales≫.
En conséquence, le rôle joue par la protection diplomatique se trouverait de fait marginalise, pour n’apparaitre seulement que comme un pis-aller, un mécanisme ≪ par défaut ≫.
En 2007, la Cour se rend a l’évidence : ≪ le rôle de la protection diplomatique s’est estompé, celle-ci n’étant en pratique appelée à intervenir que dans les rares cas où les régimes conventionnels n’existent pas ou se sont révélés inopérants ≫.146
Quels sont ces ≪ régimes conventionnels ≫ évoques par la Cour ?


2/ Le développement de mécanismes alternatifs de protection des investissements
Le droit classique étant considère comme insuffisant en la matière, le renforcement de la protection des investissements a emprunte d’autres voies que celle de la protection diplomatique. C’est ainsi que l’on a assiste, tout au long du XXe siècle, au développement de mécanismes de protection en marge de la protection diplomatique.
Dans l'arrêt Barcelona Traction, la Cour constate que < toute une évolution a eu lieu depuis la deuxième guerre mondiale en matière de protection des investissements à l'étranger, qui s'est traduite par la conclusion de traités bilatéraux ou multilatéraux entre Etats ou d'accords entre Etats et sociétés > .
Ceci nous permet de dresser une typologie, en prenant appui sur les trois catégories de mécanismes citées.
A/ Typologie des régimes conventionnels - Les traites multilatéraux
On peut à ce sujet évoquer surtout des tentatives de réglementation multilatérale de la protection des investissements.
L’une des premières, et des plus notables, est surement le projet de Convention adopte par le Conseil de l’OCDE en 1967 . Demeure a l’état de projet faute de ratification, son rôle n’est toutefois pas négligeable puisqu’il sert aujourd'hui de modèle a de nombreux accords bilatéraux.149
Toujours dans le cadre de l’OCDE, l'Accord Multilatéral sur les Investissements (AMI), dont un forum de négociations en place de 1995 a 1998 avait permis la création, sera a son tour désavoue.
Les principes directeurs pour le traitement de l'investissement étranger élaborés en 1992 au sein de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), constituent une autre source d'inspiration pour la rédaction d'accords sur la protection de l'investissement.
- Les accords entre Etats et sociétés
Les relations entre l’investisseur et son Etat d’origine : a cote de la protection diplomatique, il existe des systèmes de garantie publique, par lesquels les Etats assurent sous certaines conditions les investissements de leurs nationaux à l’étranger pour des risques non commerciaux. Il peut s’agir de garanties générales, ou bien ne couvrant que certains types de risques. L’obtention d’une garantie est souvent subordonnée à l’existence préalable d’un accord spécial entre l’Etat garant et l’Etat d’accueil de l’investissement.
Les relations entre l’investisseur et l’Etat d’accueil recouvrent des instruments divers : accords de développement, contrats transnationaux ou internationaux, contrats d’Etat etc.
Outre les dispositions des législations nationales sur les investissements étrangers, qui peuvent offrir certains avantages (notamment fiscaux), l’existence de dispositions conventionnelles destinées a préserver les investisseurs étrangers des pertes en rapport avec des décisions ou troubles politiques des Etats hôtes, constitue une pratique ancienne, qui a pu donner lieu a des aménagements directs des rapports entre l’investisseur et l’Etat d’accueil, par la conclusion d’un contrat d’investissement ad hoc.152 Un tel mécanisme d’engagement contractuel opère soustraction d’un investisseur a la législation de l’Etat d’accueil.
Par ce biais, l’Etat consent à associer une personne privée étrangère à la définition du régime juridique de l’investissement qu’elle effectue.153
- Les traités bilatéraux
Il existe aujourd'hui un large réseau de conventions bilatérales d’encouragement et de protection des investissements, conclues depuis la fin des années 1950. On parle plus généralement de TBI, traites bilatéraux d’investissement, conclus entre deux Etats.
B/ Traites bilatéraux d’investissement et développement de la jurisprudence arbitrale
Alors que jusqu’aux années 1970 le contentieux international des investissements restait peu fréquent, l’apparition massive de conventions bilatérales de protection et de promotion des investissements s’est traduite par une croissance des arbitrages y afférents. En effet les TBI ouvrent généralement un recours à l’arbitrage pour un contentieux mixte entre l’Etat hôte d’une part, et l’investisseur étranger d’autre part.
On parle a ce propos, et pour en souligner la spécificité, d’arbitrage ≪ transnational ≫. Ce terme consacre désigne un arbitrage commercial international entre un Etat et une personne privée étrangère.
C/ L’arbitrage transnational CIRDI
La Convention de Washington du 18 mars 1965 qui a créé le Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI) a eu pour objet d’organiser un arbitrage spécialisé entre un Etat partie a la Convention et un investisseur prive ressortissant d’un autre Etat contractant, a l’exclusion de tout autre recours des parties a l’arbitrage, ainsi 150 En France, le système de garantie ne couvre que certains types de risques limitativement énumérés et ne bénéficie qu’aux investissements nouveaux que de l’Etat national de l’investisseur, qui renonce à exercer sa protection diplomatique, sauf si l’autre Etat ne se conforme pas à la sentence rendue.
L’investisseur, qui gagne un accès direct aux organes internationaux de solution des différends, se trouve ainsi promu comme acteur immédiat du droit international, a condition toutefois d’être ressortissant d’un Etat contractant.
L’article 25 § 2 b de la Convention de Washington nous éclaire sur l’identité de cet investisseur à qui s’étend la compétence du Centre. Il peut s’agir de ≪ toute personne morale qui possède la nationalité d’un Etat contractant autre que l’Etat partie au différend (…) et toute personne morale qui possède la nationalité de l’Etat contractant partie au différend (…) que les parties sont convenues, aux fins de la présente Convention, de considérer comme ressortissant d’un autre Etat contractant en raison du contrôle exercé sur elle par des intérêts étrangers. »
Il est à noter que par la prise en compte du critère du contrôle, la Convention de Washington admet en matière d’arbitrage CIRDI ce que refuse la jurisprudence de la Cour Internationale de Justice en matière de protection diplomatique.
L’article 26 de la Convention ne manque pas non plus d’intérêt. Aux termes de cet article ≪ Le consentement des parties à l’arbitrage [CIRDI] est (…) considéré comme impliquant renonciation à l’exercice de tout autre recours ≫.
L’article suivant précise qu’≪ Aucun Etat contractant n’accorde la protection diplomatique (…) au sujet d’un différend que l’un de ses ressortissants et un autre Etat contractant ont consenti à soumettre (…) à l’arbitrage dans le cadre de la présente Convention, sauf si l’autre Etat contractant ne se conforme pas à la sentence rendue à l’occasion du différend ».
Ainsi, dans le cas ou les parties ont donne leur consentement a un arbitrage CIRDI, le mécanisme de la protection diplomatique se voit expressément écarté. On rejette par ce biais la possibilité d’un contentieux interétatique, que représenterait l’action en protection diplomatique, afin de rester dans ce cadre spécifique d’un arbitrage ≪ transnational ≫ entre un Etat et un particulier.
Face au développement de ces nombreux mécanismes alternatifs, qui aujourd'hui viennent supplanter la protection diplomatique, celle-ci tend à n’être plus considérée comme un instrument permettant de garantir efficacement la protection des investissements étrangers.
La CIJ n’aurait elle pas pu tirer profit du développement parallèle de ces mécanismes, pour adapter l’institution de la protection diplomatique ?
D/ Le refus d’intégration de la pratique conventionnelle et de la jurisprudence y afférente
L’application des textes conventionnels par les tribunaux d’arbitrage s’est traduite - phénomène légitime en droit international - par un développement normatif du droit international des investissements.
Des l'arrêt Barcelona Traction de 1970, la Cour le reconnait : ≪ il peut être à première vue surprenant que l'évolution du droit ne soit pas allée plus loin et que des règles généralement reconnues ne se soient pas cristallisées sur le plan international »158
Dans la même perspective, on peut évoquer l’argument de la Guinée dans l’affaire Diallo, soutenant que la pratique générale aurait donne naissance a une nouvelle norme coutumière.
Il est une disposition, qui figure a l’article 38§1 du Statut de la CIJ, selon laquelle ≪ l’interprétation du droit international tient compte des décisions judiciaires ≫. Or la particularité de la matière du droit international des investissements réside dans la portée des obligations tirées par les tribunaux.
Cependant la Cour rejette l’argument. Le développement des pratiques conventionnelles en matière de protection des investissements ne suffi[rait] pas à démontrer que les règles coutumières de protection diplomatique auraient changé. Il en va de même des arbitrages invoques par la Guinée, qui relève[raient] eux aussi de régimes particuliers .
Ainsi se trouve soulevée avec une acuité toute particulière la question des sources du droit international et de sa formation.
Dans le sens de la solution de la Cour, on pourrait soutenir que toute convention est inspirée par considérations propres, des motifs contingents. L’échec des processus d’adoption d’accords multilatéraux en matière de protection des investissements étrangers semblerait d’ailleurs conforter cette position.
A l’inverse, on pourrait argumenter que l’existence a ce jour d’un réseau dense de conventions bilatérales, a contribue a l’apparition d’une théorie homogène du droit international des investissements, ceci notamment en raison de stipulations récurrentes (obligation de traitement juste et équitable, clause de traitement national, clause de
la nation la plus favorisée, interdiction d’expropriation sans indemnité juste, immédiate et effective etc.). L’apparition de clauses types, les similitudes dans la conception et la formulation des conventions bilatérales du fait de leur commune inspiration du projet OCDE de 1967, et enfin la parfaite identité des conventions conclues par les pays membres de l’OCDE160, permettent de s’interroger quant a l’existence effective de normes coutumières.
Le paradoxe relève par Olivier de Frouville mérite d’être repris : ≪ avec l’augmentation du nombre de traités bilatéraux d’investissement et l’établissement d’une jurisprudence constante reconnaissant un droit à réparation aux actionnaires pour des préjudices causés aux sociétés, la lex specialia tend à se généraliser et le droit international général à se spécialiser ≫. Reprenant le constat opère par le Tribunal arbitral CIRDI dans l’affaire CMS contre Argentine, l’auteur en conclut ≪ il faut se résoudre à l’idée que la règle coutumière ne régit plus qu’une matière résiduelle ; le droit ‘commun’ est conventionnel »
Ainsi donc il faudrait accepter cet état des faits. Doit-on pour autant en déduire la désuétude du mécanisme de la protection diplomatique en ce qui touche à la protection des investissements étrangers ?
E/ Un mécanisme désuet ?
John Dugard, dans son Quatrième rapport sur la protection diplomatique, affirmait que ≪ l'arrêt Barcelona Traction a établi une norme inapplicable ≫. Doit-on y voir la raison de cette désaffection a l’égard de l’institution ?
Ce qui est certain, c’est que les Etats ont préfère instaure par voie conventionnelle des régimes dérogatoires, bases sur des critères excluant la solution de la CIJ et adoptant des solutions plus flexibles.
Ainsi, cette ≪ norme inapplicable ≫ dénoncée par John Dugard aurait conduit les Etats à appréhender la protection diplomatique comme une institution inadéquate, impossible à adapter de manière efficace avec le domaine économique.
Sur l’actualité de la protection diplomatique dans ce cadre, Julianne Kokott se montre perplexe. Dans son Rapport intérimaire sur le rôle de la protection diplomatique dans le domaine de la protection des investissements étrangers, elle démontre que la nature discrétionnaire de la protection diplomatique et la règle restrictive énoncées dans l’arrêt
Barcelona Traction ont amené les Etats à recourir aux traites d’investissements bilatéraux qui permettent aux investisseurs de régler leurs différends avec l’Etat hôte avant de recourir a des tribunaux d’arbitrage ad hoc ou selon le mécanisme d’arbitrage CIRDI. Elle conclut comme suit : L’analyse du régime des traités d’investissements bilatéraux ainsi que des formules multilatérales montre que la protection diplomatique n’occupe pas une place de premier plan parmi les moyens offerts pour régler les différends. En général, les accords (…) préfèrent d’autres procédures de règlement des différends et permettent aux investisseurs de recourir à des organes d’arbitrage internationaux. Cela leur confère qualité pour agir en droit international et permet de ne pas avoir à recourir à la protection diplomatique (…) La protection diplomatique semble susciter une forte méfiance, inspirée par ses incertitudes politiques, sa nature discrétionnaire et sa capacité de protéger les actionnaires étrangers conformément à la doctrine de la Cour internationale de Justice. Par conséquent, il semble y avoir deux options différentes. La première serait que les règles régissant la protection diplomatique soient modifiées de façon à répondre aux demandes des investisseurs.(…) La deuxième option consisterait à accepter qu’en ce qui concerne les investissements étrangers, le droit qui régissait jusqu’ici la protection diplomatique a été dans une large mesure remplacé par un certain nombre de procédures de règlement des différends prévues dans des traités.
La seconde option peut apparaitre toutefois excessive. On peut lui opposer que quelque soit le développement concurrent des mécanismes de protection des investissements étrangers, la protection diplomatique demeure l’ultima ratio, sur laquelle les Etats peuvent toujours se fonder pour invoquer la responsabilité internationale d’un autre Etat . Ainsi, a la seconde option, il faudrait plutôt préférer la première, a savoir non pas écarter, mais adapter l’institution.


















3/ Considérations idéologiques et politiques
A/ Des conflits de systèmes et d’intérêts
La CIJ, dans l'arrêt Barcelona Traction reconnait que : ≪ le droit en la matière s'est formé en une période d'intense conflit de systèmes et d'intérêts. Des rapports essentiellement bilatéraux sont en cause, où les droits des Etats qui exercent la protection diplomatique et des Etats à l'égard desquels une protection est demandée ont dû être également sauvegardés ».
Ces ≪ conflits de systèmes ≫ dont la Cour fait état mènent de fait les parties à placer leurs différends hors du cadre de la protection diplomatique. Ainsi l’évolution du droit doit-elle être mise en relation avec ces considérations de fait, de nature plus politique et économique que juridique.
En 1970, alors qu’elle se prononce dans le cadre de l’affaire Barcelona Traction, la CIJ doit prendre en compte le contexte juridico-politique de son époque. Lorsqu’elle évoque ≪ des importants événements survenus depuis cinquante ans ≫ , on peut y voir une référence a peine voilée au phénomène de décolonisation qui a marque la seconde moitie du XXe siècle.
Cette accession de nouveaux Etats a l’indépendance, et la proclamation par ces Etats de leur souveraineté sur leurs ressources, a bien souvent conduits ces derniers à dénoncer la protection diplomatique comme instrument d’une politique impérialiste.
Les nationalisations massives qui ont suivi ce mouvement d’indépendance ont suscite en corollaire la méfiance des Etats développes, ce qui a amené ces derniers à préférer la voie des négociations bilatérales.
Ainsi, Etats développes comme Etats en développement se sont montres hostiles a l’accroissement du rôle de la protection diplomatique comme instrument de protection des investisseurs étrangers. La Cour Internationale de Justice ne pouvait feindre d’ignorer cet état de fait.
Confrontée à ces intérêts certes contradictoires, mais unis pourtant dans leur volonté de cantonner le rôle de la protection diplomatique dans le domaine économique, la Cour s’est inclinée.
B/ Une méfiance partagée envers la protection diplomatique
S’il demeure sur le fond, ce conflit d’intérêts a pris une nouvelle forme. On oppose aujourd'hui les pays exportateurs aux pays importateurs de capitaux. Cette opposition Nord/Sud, donne lieu a des rapports ambigües, qui sont a la fois de méfiance et de dépendance.
Prenant l’exemple de l’implantation d’une firme multinationale dans un Etat donne, que ce soit un pays industrialise ou en voie de développement, Bruno Oppetit relève d'abord des objectifs antinomiques. Les pays hôtes redoutent en général que l’activité de firmes multinationales sur leur territoire n’entraine leur sujétion industrielle et leur dépendance technologique. En outre, ils peuvent craindre que l’implantation de ces firmes ne vienne contrarier leurs politiques en matière sociale, économique, ou encore monétaire.
A l’inverse, en termes purement économiques, l’activité des sociétés multinationales se révèle le plus souvent bénéfiques pour les Etats d’accueil. Ainsi l’attitude des Etats d’accueil a l’égard des groupes multinationaux oscille entre dispositions protectrices voire hostiles, et mesures favorables.
Ce conflit d’intérêts permet d’éclairer les décisions de la CIJ prises en matière de protection diplomatique des investisseurs.
Suite a l’arrêt E.S.L.I., on peut lire dans un commentaire de Brigitte Stern que : ≪ la Chambre a instauré un nouvel équilibre entre les intérêts du pays d’origine des capitaux et ceux du pays d’accueil ≫ . Or, en l’espèce, il s’agissait bien d’un problème d’investissement Nord/Nord. Il n’est d’ailleurs probablement pas anodin que l’affaire ait été jugée par une chambre composée de juges possédant tous, à l’exception de son Président, la nationalité de pays du Nord.
La jurisprudence E.L.S.I. n’aura pourtant pas fait long feu, et le retour a la jurisprudence Barcelona Traction opère en 2007 par l’arrêt Diallo ne va pas en faveur des pays exportateurs de capitaux. Leurs ressortissants, actionnaires de sociétés implantées a l’étranger, se trouveront dans une situation bien précaire au regard du mécanisme de la protection diplomatique. Prives de la possibilité de demander l’intervention en leur faveur de leur Etat de nationalité (sauf dans quelques hypothèses exceptionnelles), les investisseurs chercheront tout naturellement à bénéficier d’autres moyens de protection. Ces mécanismes alternatifs de protection des investissements étrangers répondent quant a eux dans l’ensemble aux intérêts des pays exportateurs de capitaux.
C/ Quelles perspectives d’avenir ?
Dans son Quatrième rapport sur la protection diplomatique, intervenant en amont du projet d’articles de la CDI, John Dugard exprime les possibilités qui s’offrent à la Commission :
≪ L’arrêt Barcelona Traction est sans aucun doute une décision judiciaire importante, mais dont l’importance n’est justifiée ni par le caractère persuasif de sa motivation ni par son souci de protéger l’investissement étranger. La Commission du droit international pourrait donc se sentir tenue de s’en écarter et de formuler une règle correspondant mieux aux réalités des investissements étrangers et encourageant les investisseurs étrangers à préférer, s’agissant d’obtenir réparation, la protection diplomatique à la protection des traités bilatéraux relatifs aux investissements. ≫
Ce n’est pourtant pas l’adoption d’une telle « règle correspondant mieux aux réalités des investissements étrangers et encourageant les investisseurs (…) à préférer (…) la protection diplomatique » qui fut retenue. Au regard du Projet d’articles de la CDI, tel qu’adopte en 2006, il semblerait bien au contraire que la Commission ait montre encore moins de souplesse que la jurisprudence de la CIJ en la matière, ajoutant encore des conditions a celles envisagées par la Cour pour que soit reconnu le droit d’action en protection diplomatique de l’état national des actionnaires étrangers d’une société victime d’un préjudice.
Ainsi il semblerait que l’on aille vers encore plus de rigueur, des lors que le projet d’articles sur lequel la CIJ tend désormais a s’appuyer, montre encore moins de faveur que la Cour a la protection diplomatique des actionnaires étrangers d’une société de capitaux.
















Conclusion

Pour éviter des ingérences dans la souveraineté économique des Etats faisant largement appel aux capitaux étrangers, la Cour Internationale de Justice a, dans l'arrêt Barcelona Traction, pose des principes clairs, (re)affirmant la distinction entre une société et ses actionnaires, avec la distinction corrélative entre les atteintes aux droits de la société et celles aux simples intérêts des actionnaires. Elle a de même affirme non pertinent le critère du contrôle pour l’octroi de la nationalité d’une société.
Ainsi la jurisprudence de la CIJ, imitée dans cette tendance par la CDI dans son Projet d’articles relatif a la protection diplomatique fait état de solutions strictes, issues d’un respect rigoureux du conceptualisme juridique au détriment du réalisme économique.
Plutôt que cette fidélité aux concepts juridiques, n’aurait-il pas été souhaitable d’adopter une vision plus économique ?
On en revient a la question du rôle qu’il convient (ou non) d’accorder a la notion de contrôle.
Au cœur de l’articulation entre les rapports de la société et de ses actionnaires, on retrouve cette notion sous-jacente à toutes les analyses. Selon le rôle qu’on lui confère, on passe de la plus stricte orthodoxie juridique a la prise en compte de la réalité économique. C’est en déplaçant ce curseur, en accordant un rôle plus ou moins grand au critère du contrôle, que l’on pourrait envisager des perspectives d’évolution.
La véritable question est ainsi d’idéologie. On retombe sur le vieil affrontement entre les tenants de la théorie du siège et celle du contrôle.
En faveur de la théorie du contrôle, on peut lui reconnaitre un intérêt du point de vue du traitement des groupes internationaux de sociétés. Cette théorie permet en effet de réunifier sous une loi unique l’entreprise globale, constituée de la société mère et de ses filiales.
On observe aujourd'hui une tendance dans les relations économiques internationales, a la prise en compte du contrôle pour en faire une source de droits et/ou d’obligations. Il en va ainsi dans les rapports entre une société mère et ses filiales. On peut également penser aux textes internationaux dans lesquels la notion de contrôle donne lieu à des droits juridiquement protégés sur le plan international, ainsi par exemple l’article 25 de la Convention de Washington établissant le CIRDI.
Source de droits, la notion de contrôle peut également se révéler source d’obligations. On songera alors à l’utilisation de la notion de contrôle au sein des groupes de sociétés, afin de pouvoir engager la responsabilité d’une société mère pour des actes commis par ses filiales.
En matière de protection diplomatique des sociétés cependant, la CIJ se refuse a la prise en compte de cette réalité économique.
Conditionnant le droit d’action en protection diplomatique au profit d’une société, les critères consacres par la Cour Internationale de Justice comme attributifs de la nationalité, à savoir la constitution et le siège social, n’apparaissent pas pertinents sur le plan économique pour apprécier le lien existant entre une société et un Etat. De tels critères pourraient même aboutir a priver de protection les filiales de droit local de sociétés multinationales, qui seraient contrôlées jusqu’a 100 % par la société mère.
Faudrait-il introduire une dose de réalisme pour adapter l’institution à la configuration actuelle d’une économie mondialisée ? La question reste ouverte.
Une seule certitude : que d’évolutions depuis 1965, lorsque Jimenez de Arechaga voyait dans les normes régissant le droit de la protection diplomatique ≪un modus vivendi, un compromis bien équilibré développé de façon pacifique et graduelle et accepté tant par les Etats intéressés à agrandir le domaine de la protection diplomatique que par les Etats intéressés à réduire ce domaine.














Bibliographie et sources

• L'arrêt Barcelona de la Cour internationale de justice, Rev. Critique D. I. P., I, 1970
• Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited (Belgique c. Espagne), arrêt du 5 fev. 1970, C.I.J. Recueil 1970.
• Projet d’articles sur la protection diplomatique, loc.cit. , CDI, 58e session, 2006
• TOUZE (Sébastien), La protection des droits des nationaux à l'étranger : recherches sur la protection diplomatique, Th. doct., Droit international, Paris 2, 2006.
• DUGARD (John), Quatrième rapport sur la protection diplomatique, N.U., CDI, 55e session, A/CN.4/530. Sur le cite suivant : http://untreaty.un.org/ilc/documenta.../a_cn4_530.pdf )
Exceptions préliminaires : le roman inachevé de la protection diplomatique », Annuaire Français de Droit International LIII, CNRS Editions, Paris, 2007
• FRANCESCAKIS (Phocion), Lueurs sur le droit international des sociétés de capitaux; L'arrêt Barcelona de la Cour internationale de justice, Rev. Critique D. I. P., I, 1970.
• DIEZ DE VELASCO (Manuel), La Protection diplomatique des sociétés et des actionnaires, A.W. Sijthoff, 1975, Académie de droit international. Recueil des cours ; 141, 1974-I, pp. 87- 185.
• HOCHEPIED (Jean-Pierre de), La protection diplomatique des sociétés et des actionnaires, Th. doct, Université de Paris, Faculté de droit et des sciences économiques, Ed. A Pedone, 1964
• O.N.U., recueil des sentences arbitrales.
• HOCHEPIED (Jean-Pierre de), La protection diplomatique des sociétés et des actionnaires, Th. doct, Universite de Paris, Faculté de droit et des sciences économiques, Ed. A Pedone, 1964
• s. STERN (Brigitte), « Le consentement a l’arbitrage CIRDI en matière d’investissement international : que disent les travaux préparatoires ? , Souveraineté étatique et marchés internationaux à la fin du 20ème siècle : à propos de 30 ans de recherche du CREDIMI: mélanges en l'honneur de Philippe Kahn, Litec, 2000
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Re: la protection diplomatique des sociétés. master I. LMD. droit international
12-10-2012, 05:12 PM
de rien :)
et je suis une fille ;)
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